Je peins, à la recherche de ces moments où mon corps perd le contrôle, où mes pensées sont entièrement centrées sur le visage qui s est imposé. Mes pinceaux se promènent, ils cherchent, ils tentent... Suis je conscient ? Peut-être pas ... Mon esprit oublie les contingences de la vie... Juste cette femme. Son visage, son histoire, ses peines, ses envie deviennent miennes... Je me transporte en elle...Nous ne faisons plus qu'un... Et je peins.
J'ai besoin de ces moments où j'intègre l'autre. Fuir sa propre vie, sombrer en l'autre et s'y perdre pour mieux la comprendre... Mes couleurs se mélangent à ses pensées. Mes coups de pinceaux se plient à ses traits, elle prend vie petit à petit tandis que la toile prend forme... Le temps s'arrête ... Mon corps n'est plus... Il devient transparent... C'est mon esprit qui peint... Il se bat pour comprendre l'autre. Qu'a-t-elle vu de si dur pour avoir ces yeux, dans quels combats s'est-elle perdue... Sa lutte doit pouvoir se refléter dans ses yeux... Sa bouche doit parler d'elle... Les couleurs de sa vie doivent se mélanger à celles de la toile... Je l'aide à s'exprimer. Je lave ma toile pour qu'apparaissent ses blessures cachées. Je pars de l'émotion ressentie, je la laisse m'envahir pour qu'elle me dicte mes couleurs, la gestuelle de mon pinceau... Je me laisse guider... Je ponce ma toile pour enlever la brillance de la surface et je l'use pour atteindre son vécu... Je supprime aussi mes excès... Mes colères.
Je ne peins pas. Je me bagarre. Et souvent je ne suis pas le vainqueur... J'aime en avoir de partout, sortir de mon atelier épuisé... Qu'importe le résultat, si le combat a été beau.... Les tableaux que j'expose ne sont que des survivants... C'est à ce titre qu'ils me sont chers...
Pourquoi des portraits de femmes? ... Je me suis posé la question longtemps. Pourquoi ces yeux de femmes sont-ils si omniprésents dans mes tableaux? Ces femmes: plongent-elles leur yeux dans mon âme? Regardent-elles mes doutes, mon passé?... Je les peins ... Je les caresse... Elles se donnent ou elles se refusent... Je recommence...
Serait-ce une évanescence de ma mère? La mélancolie de cette tendresse?... Ces yeux souvent interrogatifs qui cherchent? Sont-ils le reflet de mes propres interrogations? Jean Giono disait:“Quoiqu'on fasse, c'est toujours le portrait de l'artiste par lui-même qu'on fait.”... Et s'il n'y avait pas de réponse? Juste s'interroger, laisser une part de mystère pour garder un peu de magie... La magie d'une émotion... La faire partager...
Zepetoo